— Que faites vous? Venez.
— J’écoute India Song. Je suis venus aux Indes à cause d’India Song. Cet air me donne envie d’aimer. Je n’ai jamais aimé. Je n’avais encore jamais aimé.

Dehors, dans le parc, les magnolias élaborent leur floraison funèbre dans la nuit noire du printemps naissant.

— Je ne suis pas sûr de vous reconnaître.
Le changement arrive avec la brutalité d’un passage de jour à nuit:
— Quelle est la différence?

Il la regarde de toutes ses forces. Avec les mains il dénude son visage pour la voir jusqu’au non-sens, jusqu’à ne plus la reconnaître.

Et puis il pose la question rituelle. Déjà ils parlent pour parler. Ils tremblent. Leurs mains tremblent.

— Ce qui est vrai c’ est que j’ ai envie d’ être toute seule, une fois. Pour penser à toi et moi. À ce qui est arrivé.
— Et aussi à rien.
— Oui – et aussi à rien.

Ils n’ont rien à se dire. Personne ne parle. C’est le silence. Personne ne s’en étonne, n’en est gêné.

Au bord de la terre, le soleil est au bord de mourir.
Il meurt.

Ils cessent de rire. Regardent ailleurs. Dehors, à perte de vue, les rizières. Le vide du ciel. La chaleur blême. Le soleil voilé.